La vie peut s’avérer des fois cruelle. Alors que j’avais enfin pris mon courage à 2 mains, que j’avais enfin tout quitté pour vivre cette nouvelle aventure méconnue, que je me sentais enfin heureuse et sereine, il m’est arrivé la pire chose que j’ai vécu jusqu’à présent.
Je pense que je me rappellerai toujours le moment où on me l’a annoncé...
13 juin, soit à peine deux semaines après mon arrivée, je reçois enfin ma carte bancaire de France (heureusement il ne me restait plus que 3$ en poche !). J’envoie des messages skype et whatsapp à toute ma famille pour avoir le code de ma carte, sans réponse, bizarre. Je demande à mes amis de France de les joindre directement par téléphone, aucune réponse ! 18h43 ici, l’équivalent d’1h du mat environ en France, je reçois un message whatsapp « Pauline, je suis avec ta sœur, peut-on faire un skype. C’est important, merci ». Je n’avais même pas calculé l’heure. Je rappelle en toute innocence, sans m’imaginer une seule seconde ce que l’on allait m’annoncer. Avec la distance et pour ne pas trop m’inquiéter, ma mère ne m’a pas dit directement les choses, elle ne m’a pas tout dit, à minimiser ce qu’il se passait en réalité, n’a pas utilisé ce mot si concret et n’a rien infirmé ou confirmé. Je ne sais pas si c’est la distance ou ma façon de réagir mais je ne mesurais pas la gravité. "Oui ok il y a une tâche importance dans son cerveau non opérable mais ce n’est sans doute rien de grave, dans quelques semaines ce sera du passé, ne vous inquiétez pas du moment où on n’a pas les résultats de la biopsie." Mais même ce mot je ne savais absolument pas ce qu’il signifiait sur le coup, je croyais que c’était un genre de prise de sang ! Ma mère me disait que je devrais sûrement rentrer si çà ne s’arrangeait pas. "Pourquoi ? Il n’y a rien de grave, ce n’est rien, çà va se passer". Et puis, en raccrochant et en repensant à ce que l’on vient d’apprendre, on s’en veux d’être aussi loin de sa famille, de ne pas être là pour la première fois qu’il arrive quelque chose à cette personne qu’on aime tant et qui a toujours été là pour nous dans les moments les plus durs. On culpabilise tellement de ne pas être à côté de ses proches dans ces moments difficiles. Mais à contrario, on pense déjà au billet d’avion que l’on va devoir acheter et qui va nous coûter une blinde, et puis on a pas envie que cette nouvelle aventure s'arrête comme çà alors qu'on commence à peine à en profiter.
La nuit a été assez mouvementée et très courte, beaucoup de questions sans réponse. Et puis le lendemain, je ne réalise déjà plus. Je me dit que ce n’est juste pas possible, que tout ira bien, que les médecins vont nous dire que ce n’est rien. Il s'est avéré que je partais pour un trip de deux jours au mont tremblant le jour même. 2 jours de randonnées et de balades qui me redonnent la pêche et qui me remotivent à bloc, qui me confortent dans l’idée que ce n’est rien, que tout va bien se passer. La nouvelle a été si soudaine qu’on ne peut pas s’imaginer la réalité à distance. Je continuais à lui envoyer des messages normaux comme si rien n’avait changé. Puis le soir où je suis rentrée de mon trip, je reçois enfin le fameux message « tumeur cancéreuse » et bim le choc est brutal et la descente émotionnelle est d’une violence !
Je comprends enfin que je dois rentrer et que les choses sont sérieuses. Que ma mère a voulu me préserver de la réalité pour ne pas m’inquiéter mais n’a pas eu le choix de me le dire de manière concrète comme je ne réalisais pas la gravité.
Le lendemain j’ai eu ma sœur par skype qui me raconte tous les détails depuis le début et c’est là que j’ai commencé à réaliser que c’était grave, que ce n’était pas anodin. « Ce n’est plus lui , il n’est plus là ». "Mais comment est-ce possible? c’était lui, il n’avait rien à mon départ il y a à peine deux semaines ! Comment peut-on se dégrader autant alors qu'il n'y avait aucun signe de maladie il y a 15 jours!" Malgré le fait de tout connaitre désormais, je n’arrive toujours pas à accepter et à imaginer la maladie...
A ce moment précis, on se trouve tiraillé par des émotions contradictoires :
culpabilité : ne pas être là pour lui, pour sa famille; on se refait le film des dernièrs mois, on culpabilise de ne rien avoir vu, d’avoir été comme cà avec lui les dernières semaines, de l’avoir haï alors que c’était juste la maladie qui commençait à se faire sentir...
colère : bizarrement, on est énervé que ca arrive toute suite, à ce moment précis de notre vie, au début de cette nouvelle aventure. Pourtant même si c’est la personne que j’aime le plus, égoïstement je n'ai pas envie de rentrer, je ne veux pas que ce bien être s’arrête, que tout s’arrête comme cà. Et puis je trouve la vie injuste pour lui, pour moi.
regret : d'être partie à ce moment précis, de ne pas être rester seulement 15 jours de plus en France, de ne pas être là pour lui .
tristesse: peur de perdre la personne que j'aime tant et qui est si importante à mes yeux depuis 29 ans
remise en question: on se pose un tas de questions du genre "est ce que mon départ, qui ne l’a jamais enchanté, lui qui était si en désaccord, n’a pas provoqué sa maladie ?", etc.
Et puis d'autres questions un peu plus futiles apparaissent: "Puis-je attendre le concert des cowboys ou dois-je rentrer tout de suite ?", "je prend toutes mes affaires ou pas?"
On ne se rend pas trop compte, on est dans le flou et on a aucune réponse à toutes ces questions.
Par contre, le coté positif de cette épreuve c'est que même à distance, dans un nouveau pays, on arrive à être épaulé et soutenu par des amis de France et par les gens présents au Canada. Ma coloc airbnb était présente lors de ce fameux appel et a été d’une gentillesse sans nom. Dans ces moments difficiles, j’ai vraiment été surprise de la gentillesse des gens que j’ai pu côtoyé : de parfaits inconnus français sur les groupes facebook, les personnes de l’assurance chapka, mes colocs airbnb, tous les gens que l’on peut croiser. Je ne me suis jamais sentie aussi soutenue qu’à ce moment là. Pour cà, il y a aucune crainte à avoir! Et puis il y a ces petites choses qui réchauffent tellement le cœur : mon amie française depuis 3 semaines qui me garde mes affaires chez elle, qui m’a réconforté après que je l’ai appris, des québécois rencontrés par hasard au concert d’IAM qui m’ont fait passer une soirée de folie la veille de mon retour, un français vu seulement deux fois qui va m'attendre pour vivre ce que l’on avait prévu initialement et avec qui je vais passer un mois de rêve après ce mois d’enfer. L’entraide des français ici et la bienveillance des québécois existent véritablement.
Coté assurance, tout s’est bien passé et cela a été très rapide et très efficace (et sans frais supplémentaires ni d'avance à faire!). Un coup de fil à l'assistance chapka et ils se sont occupés de tout aux dates que je voulais: billet d'avion avec airfrance, chauffeur privé de mon airbnb à l'aéroport, taxi à Paris de CDG à St Laz, billet de train en 1ère classe (ouf, çà m'aurait fait bizarre de prendre la seconde ^^), taxi de la gare de Caen au CHU. Je ne me suis occupée d'absolument rien, ils sont très disponibles et compréhensibles. Une fois rentré, on a juste a envoyé par mail un justificatif de lien de parenté et un bulletin d'hospitalisation. On a le droit de rester seulement 1 mois en France et cela n'est valable qu'une fois. Ils ont dépensé environ 2500€ pour tous les frais, ma cotisation de 600€ à Chapka est largement rentabilisé :)
"Rien que pour un instant, l'éphémère devienne ETERNITE. " D.Saez